Avec sa brasserie Dulion, Christophe Bellet est à l’origine d’un procédé unique avec pour objectif une bière 100% locale. Il fait figure d’ovni dans le paysage brassicole. On vous explique pourquoi.

Dulion : une « blonde » mais pas une « bière »

Chez Dulion on ne produit pas de bière à proprement parler. Au regard de la loi, la dénomination bière est réservée à une boisson obtenue à partir de malts de céréales, de matière première issues de céréales, d’houblon et d’eau potable. Le malt de céréales doit représente au moins 50% du poids des matières amylacées ou sucrées utilisées.

Sauf que, la brasserie de Rillieux a choisi de ne pas utiliser une seule céréale maltée. L’appellation « bière » leur est donc interdite. On parlera plutôt de boisson fermentée à partir de céréales crues.

© Agence Cru

Une bière sans malt, qui l’eût cru ?

La nuance est fine sur le papier mais dans les faits, cela change beaucoup de chose. Pour passer du champ à la bouteille, les céréales (orge et blé en majorité) doivent être maltées. C’est-à-dire, subir une suite d’étapes afin de préparer au mieux les céréales pour le brassage. Une fois trempées, germées, touraillées (torréfiées), les céréales sont devenues des malts. Elles ont désormais un fort pouvoir enzymatique, qui permet de transformer leur amidon en sucre. Ce sucre sera dissout dans l’eau pour devenir un moût de bière, puis une bière après fermentation. Ce processus complexe est réalisé en malterie et demande des moyens techniques et énergétiques importants. Processus auquel il faut ajouter le transport du champ à la malterie, puis à la brasserie.

En dehors de quelques initiatives locales, la majorité des malts utilisés viennent de malteries situées en France, Allemagne ou Belgique. Ils doivent donc voyager plusieurs centaines de kilomètres avant d’arriver chez les brasseurs. Le passage en malterie implique également une perte de traçabilité sur les céréales locales, qui se retrouvent mélangées à celles issues d’autres parcelles. La Brasserie Dulion a souhaité s’affranchir de ce schéma non écologique et préfère proposer sa vision estampillée « future tradition » sur l’étiquette.

© Agence Cru

Une démarche engagée et un défi technique

La volonté de se passer de malt a pour origine un critère que Christophe s’impose pour toute sa production. Celui de se fournir à 200 kilomètres à la ronde et en bio.

Ce choix lui évite d’envoyer ses céréales à une malterie à 600km de la brasserie, et de subir des mélanges de lots, courants dans les grandes malteries. C’est un choix engagé qui implique le véritable défi technique de réinventer une étape clef dans le brassage. L’avantage du maltage est de préparer les sucres de la plante et les enzymes développés pendant la germination.

Première difficulté avec le grain cru : pas d’enzymes et des sucres bien cachés, difficiles à extraire. Pour palier au manque, Christophe ajoute des enzymes naturelles, issues d’un champignon, et cultivées en laboratoire. Voilà donc nos sucres extraits.

Seconde difficulté : le grain cru possède un fort pouvoir gélifiant, c’est-à-dire qu’il va rendre le mélange eau + céréales visqueux avec pour incidence, une filtration longue et compliqué. Qu’à cela ne tienne, notre ingénieur tout droit sorti de l’ISARA, a mis au point un procédé de filtration par membrane permettant de dissocier le jus sucré des céréales.

Dès lors, Christophe a le champ libre et peut s’amuser avec de nombreuses céréales, pourvues qu’elles soient cultivées en local : blé, épeautre, sarrasin… et démarche engagée rime avec créativité. La gamme comprend 6 recettes allant de l’IPA à la bière de blé en passant par une triple et une bonne blonde désaltérante.

Tous ces efforts ont pour objectif de proposer aux consommateurs une bière vraiment « ultra-locale » et surtout traçable. La brasserie fonctionne en direct avec les producteurs. Elle indique sur chaque bouteille un QR code. Une fois scanné, il redirige vers une fiche de présentation du producteur de céréales à partir desquelles les recettes sont élaborées.

Du champ au verre, la promesse est tenue avec pour seul bémol l’impossibilité de se fournir intégralement en houblon bio local. Même si la brasserie possède quelques parcelles de houblon dans le Beaujolais.

© Agence Cru

La brasserie Dulion comme « showroom »

Mais Christophe et son équipe ont décidé de ne pas s’arrêter là et ont créé un bureau d’étude griffé « Dulion Process ». Ils proposent ainsi de dupliquer leur modèle de brasseries dans des zones où les malteries sont absentes, notamment en Afrique. Christophe a ainsi déjà expérimenté des brassages de sorgho, de millet ou encore de kernza, céréale révolutionnaire vivace.

Pour les curieux et les passionnés des boissons fermentés, vous pouvez retrouver leurs bières dans certains supermarchés, magasins bio spécialisés et bars de la régions.

N’hésitez pas à leur envoyer un message pour connaître leur lieux de distribution : https://www.facebook.com/futuretradition/

S’inscrire à notre Newsletter