Depuis octobre 2017, le mouvement #MeToo ne cesse de prendre de l’ampleur sur les réseaux sociaux et dans les médias. Un simple hashtag qui dénonce les actes sexistes, particulièrement dans le milieu professionnel. Le secteur de l’hôtellerie-restauration ne dérogeant pas à la règle (loin de là), le compte Instagram @jedisnonchef à décidé de rompre le silence.

Les porcs des cuisines

On en parle moins, mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Le sexisme est bel et bien présent en cuisine. Dans un milieu majoritairement masculin, les cheffes tentent de bousculer les mentalités. Aujourd’hui dans la société, les femmes sont associées à la cuisine, non pas à celle professionnelle mais bien celle ménagère. Oui, parce que la cuisine gastronomique « c’est un truc d’hommes », les femmes sont quasiment invisibles, dévalorisées et « évidemment » moins bien payées. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir le guide Michelin pour constater que seulement 3,5% des tables étoilées dans l’Hexagone sont menées par des cheffes. Et non monsieur Alléno, l’ADN des femmes n’est pas d’enfanter !

C’est en 2013 que les choses ont commencé à (légèrement) bouger lorsqu’une couverture du « Time » met en avant trois chefs masculins en les qualifiants de « Gods of Food » du XXIe siècle. Indignation pour les féministes. Le lancement de la campagne « HeForShe » par l’ONU quelques mois plus tard fait office de déclic chez nombreuses femmes, pour passer à l’action et pointer du doigt le sexisme en cuisine. Des témoignages d’inégalités, harcèlement moral ou sexuel, viols, commencent à faire du bruit.

@jedisnonchef, le cauchemar en cuisine

Depuis juillet 2019, Camille Aumont Carnel a tenu à dénoncer haut et fort les atrocités entendues en cuisine. Après 4 ans passé dans le milieu de la restauration, elle a choisi de « dire tout haut ce qu’on a encaissé tout bas » et de raconter « les trucs absolument atroces, parfois à la limite du racontable ».

Au début, Camille poste les horreurs subies durant ses années en cuisine. « Avec le recul, j’ai voulu dire « voilà ce qu’il s’est passé, c’est inacceptable et on va commencer à en parler car c’est le seul moyen que ça change' », explique-t-elle. C’est naturellement que des témoignages sont venus à elle, des femmes qui voulaient partager avec elle ces obscénités pour dire « moi aussi » ! Aujourd’hui @jedisnonchef regroupe des témoignages de femmes, partagés de manière spontanée, qui subissent régulièrement du harcèlement moral ou sexuel.

© @jedisnonchef

L’avantage pour ces femmes : le témoignage anonyme. Ce dernier permet de libérer la parole et leur évite de « se faire griller » dans un milieu où il est déjà compliqué de se faire sa place et d’évoluer pour la gente féminine. En effet, le milieu se compose majoritairement d’hommes. La hiérarchie est très forte et « personne ne nous apprend à dire “non chef”, à dire qu’il y a des choses qui ne sont pas normales ».

L’objectif de ce compte aujourd’hui est d’alerter l’opinion publique mais Camille souhaite à l’avenir « pouvoir afficher le nom des responsables » et que les femmes n’aient plus peur ni honte de témoigner à visage découvert. Cette dernière ironise également sur les messages qu’elle reçoit des directeur.rice.s de communication des établissements « Très bonne initiative, olala c’est fou, heureusement que chez nous ça ne se passe pas comme ça… ».  alors qu’elle a déjà trois ou quatre témoignages contre leurs chefs ou cuisiniers ».

La seule manière de les faire tomber serait un énorme badbuzz médiatique qui impliquerait la justice et briserait leur réputation d’intouchables.

Le chemin est encore long.

Pour voir d’autres témoignages, c’est par ici

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