« Quand je vous dis que c’est la fin du système ! » Voici une phrase que je répète souvent à mes proches. Autrefois souvent pour rire, maintenant pour réfléchir. Parce que la question n’est plus de savoir si la révolution est en marche : elle est de savoir si vous y prendrez part.

Une révolution dont l’alimentation en est logiquement le principal catalyseur, puisqu’à part quelques respirationistes, je ne pense pas trop m’avancer en disant que manger est un sujet qui nous concerne tous. Qu’on soit pauvre ou pas, qu’on mange de la merde ou pas, qu’on aime manger ou pas.

Parce qu’elle est notre moteur et notre énergie, l’alimentation a toujours été le premier sujet au coeur des avancées et des bouleversements de notre civilisation : la découverte du feu, la révolution agricole, la révolution industrielle, la société de consommation…

Une alimentation au coeur d’une révolution entre un tiers-état consommateur de plus en plus éclairé et énervé et une noblesse de fonds d’investissement et d’actionnaires dépersonnalisés et invisibles. Au milieu ? Un clergé industriel complètement paumé, qui ne sait plus trop à quel saint se vouer, puisque le problème est qu’on a réussi à se retrouver dans un joyeux bordel qui n’a jamais été aussi féodal et mondial.

Un système qui se termine quand les inégalités deviennent trop importantes, comme les précédents, mais qui a réussi a faire très très fort cette fois-ci pour deux raisons : parce qu’il  montre ses limites à vitesse grand V, à travers quelques décennies de société de consommation. Et surtout parce qu’il a réussi à être le système le plus illogique et le plus contradictoire de toute l’histoire de l’humanité.

Un chapitre étonnant de notre existence qui bluffera notre descendance quand ils apprendront à l’école qu’à notre époque, l’obésité tuait plus que la famine. Un chapitre où les solutions semblent plus résider dans la régression que la progression. Un chapitre dans lequel décroissance et la déconsommation ne sont plus un apanage hippie.

Des airs qui sentent la fin d’un système pour deux autres raisons : d’une part un gouvernement devenu impuissant, où même les ministres démissionnent face à l’ampleur de la tâche. De l’autre, la difficulté de trouver un responsable, parce que nous le sommes tous. Parce que nous faisons tous partie d’une seule et même entité, mondialisé et complexe mais plus vraiment en symbiose, où couper la tête d’un roi n’aura pas d’autre solution que d’en faire naitre un autre.

A l’origine de chaque révolution, une oppression et des inégalités croissantes d’un côté, et des courants de pensée, des progrès scientifiques ou des découvertes majeures de l’autre, qui engendrent une prise de conscience qui se répand et se globalise.

Internet succède au feu et aux Lumières, répandant informations et science mais aussi radicalismes et terreur. Les études sont devenues les nouvelles armes, et les instituts de recherche sont au coeur d’une stratégie de guerre employée par tous les camps.

Documentés, (dés)informés, inquiets, énervés, en mauvaises santé, les français commencent à descendre dans la rue pour défendre leur droits, ceux de leurs enfants, de la planète et des animaux. Ils marchent pour le climat.

A la marge, des radicalismes se créent. Ils n’attaquent plus les mosquées ou les synagogues, mais les abattoirs et les boucheries. Le veganisme est devenu le premier régime à se politiser. Les mouvements alimentaires plus globalement reflètent les courants de pensées politiques et économiques, qu’il s’agisse du veganisme radical, du flexitarisme raisonné ou du végétarisme.

Dans les médias, le fameux sentiment d’insécurité n’est plus le privilège de nos rues et nos banlieues, mais a déferlé dans nos frigo et c’est aux déchets qu’on applique la tolérance zéro. L’antispecisme est le nouveau sujet de conversation au café.

Une société qui découvre que les aliments transformés nous rendent gros et cons et que le snacking rend dépressif. Une société où les pesticides tuent les insectes mais aussi les agriculteurs. Une société pourtant informée mais où le lait infantile a réussi à tuer des bébés.

Pour les plus radicaux, la révolution doit être sanglante et violente. Brûlons les abattoirs et versons du sang de porc. Comme si l’histoire ne leur avait rien appris et que soudainement au 21ème siècle, la violence devenait mère de toutes les vertus. Un prochain scénario de black mirror en somme. Une dystopie où la population est stérilisée de force, où un critère de notation individuelle en fonction de son empreinte carbone est mise en place, et où on découvrira à la fin de l’épisode que des camps de concentration installés dans des anciennes usines regorgent d’actionnaires et lobbyistes qu’on brûle au glyphosate pour les faire parler. Un scénario de Netflix où il y a un marché noir de la viande et où on se pique à la B12 dans d’obscures ruelles. Difficile d’imaginer des solutions durables, égalitaires et vertueuses là dedans.

© Green Soylent / Edward G. Robinson, 1973

Pour les pessimistes et passifs résignés, cette révolution n’aura pas lieu car le problème est globalisé, que les enjeux sont trop complexes et que l’Homme n’arrivera pas à calmer sa soif d’argent et son désir illimité de possession et de contrôle face à une planète limitée et un climat déjà incontrôlable. Le mot d’ordre ? « De toute façon c’est pas de ma faute, c’est la faute aux industriels et au capitalisme ». « Je vois pas pourquoi je changerais si les autres changent pas ». « yolo, de toute façon on va tous crever, alors autant en profiter ».

Bien que la passivité et la résignation n’aient jamais engendré de progrès majeur et décisif, il m’est difficile de les contredire sur le points des industriels agro. Déchirés entre des investisseurs et des actionnaires toujours plus gourmands et des consommateurs contradictoires qui veulent de la quantité mais de la qualité, de l’immédiateté et du « désaisonnalisé », ces entreprises sont complètement paumées. Entre les débats nustriscore, le bio plastifiés qui arrive par avion, et le green washing, les plus grosses entreprises font au pire n’importe quoi, au mieux du vent. Elle semblent tout simplement bloquées, à regarder ce qui est en train de se passer et à essayer de rattacher les wagons d’un paradis perdu.

Et puis il y a nous, au milieu de ce foutoir.

Nous en tant qu’agence certes, qui essaie d’aider les entreprises à s’adapter (si,si), mais aussi et surtout nous, humains.

Nous, vous. Nous, éternels optimistes, qui pensons que la révolution va bien avoir lieu et qu’elle sera verte, douce et peut-être même belle. Nous, rêveurs raisonnés, qui sommes persuadés que le boycott s’installera tranquillement mais sûrement, rythmé par la science et la prise de conscience.

Nous, doux rebelles, qui sommes convaincus que la principale arme de destruction massive s’appelle l’éducation à l’alimentation. Nous, qui croyons à la proximité et la créativité, qui croyons en une école où la cuisine et la nutrition doivent être des matières dès la primaire. Une école qui donnerait des consommateurs éclairés et débrouillards.

Nous, consommateurs qui détenons le pouvoir principal pour inverser la tendance, pour donner des couilles au gouvernement et couper celles des actionnaires. Le pouvoir de dire non, de sélectionner, de remplacer, de moins jeter, de réfléchir avant d’acheter, d’apprendre à cuisiner, de prendre le réflexe de réparer et de partager.

© Edible Schoolyard Project

Nous, citoyens, et les initiatives auxquelles nous pouvons prendre part. Qu’il s’agisse de celles qui croient en l’éducation comme le projet Edible Schoolyard, celles qui se veulent lanceurs d’alertes comme Foodwatch, celles qui nous aident au quotidien à nous informer rapidement sur ce que nous mangeons comme Yuka ou Open Food Fact.

Nous qui pouvons aussi être investisseur, sur des plateformes de financement participatif spécialisées sur l’agriculture et l’alimentation durable et responsable comme Miimosa.

Comme l’explique l’excellent site il est encore temps, c’est la somme de nos actions, digitales ou de proximité, devant nos écrans et nos publicités, dans nos supermarchés et nos quartiers, qui permettra d’obtenir un résultat à peu près positif. Je ne sais pas pour vous mais en tout cas, moi j’y crois plus que jamais.

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