Vous avez forcément entendu parler de super-aliment, ou de super-food. C’est le nouveau terme hype pour désigner certaines denrées promettant forme olympique, santé et jeunesse éternelle.

Les exemples sont nombreux : chou kale, amandes de Californie, baies de Goji, quinoa, mélanges de jus et d’épices… Coups marketing ou vrais aliments miracles ? Véritable utilité ou dangers pour la consommation et l’environnement ? Le point sur quelques aliments super-hypes.

Prenons d’abord le cas de la baie de Goji.

On consomme cette baie séchée, au même titre que les abricots secs, figues séchées, dattes et pruneaux. Elle nous parvient directement d’Asie pour nous apporter diverses vitamines, minéraux, et surtout antioxydants. Parlons-en, de ces derniers, et comparons donc la composition de la baie de Goji avec celle de notre champion national, le raisin sec.

goji

En quantité : en effet, la baie de Goji contient légèrement plus d’antioxydants que nos chers raisins secs. Mais en qualité, ça se gâte… le « pouvoir antioxydant » (la capacité à combattre un stress oxydatif) des baies de Goji est inférieur à celui des raisins (ce qui est sans doute dû au resveratrol, puissant antioxydant du raisin). Eh oui, la nutrition n’est pas de la physique, plutôt de la biologie ! Antioxydants mis à part, cette baie contient quand même 12% de protéines. Mais il faudrait en consommer 110g pour avoir autant de protéines que dans 2 œufs, et 150g pour en avoir autant que dans 100g de viande (soit une petite portion). A 50€ le kilo minimum, ça fait un peu cher le steak… En protéines végétales, on a vu mieux, et avec une consommation de baies de Goji généralement conseillée de 10 à 20g par jour, on est loin du compte. Le pire : même en version bio, cette baie de Goji resterait tout de même polluée. Inutile de préciser qu’en plus de ça, le raisin sec ne fait pas, lui, des milliers de kilomètres pour arriver jusque dans notre assiette…

Quid du chou kale ?

Nouveau nom stylé du… chou frisé vert. Qui lui n’a rien de nouveau. Ce qu’il a de si merveilleux : de la vitamine C, du calcium, des folates, des fibres… Comme tous les légumes verts à feuille en fait. Voilà. Les « 5 fruits et légumes par jour », c’est pour une bonne raison. Je me suis refusée d’en manger depuis qu’on en fait tout un plat, mais en voyage en Thaïlande le mois dernier j’en ai retrouvé dans ma soupe de nouilles… et oui, c’est méga bon. Alors si ça peut nous faire (re)découvrir la variété fabuleuse des choux, je dis oui ! Mais aucune raison pour continuer de le considérer comme le nouveau légume bobobio qu’on retrouve dans tous les brunchs de la Croix-Rousse.

kale

Et les autres « super-food » ?

L’engouement récent pour les amandes de Californie assèche le désert grandissant de cette région. Non seulement les Américains ont multiplié leur consommation d’amandes par 10 en 50 ans, et l’attrait mondial pour ces oléagineux induit le fait que 80% de la production mondiale provient de Californie.

Vous êtes sûrement au courant que la Californie connaît un état de sécheresse absolument désastreux, et selon The Atlantic, une seule amande a besoin de 4 litres d’eau pour arriver à maturité. Faites le calcul…

L’impact environnemental de la culture du quinoa est également réél, comme la déforestation qui a lieu pour planter, non pas des palmiers, mais des cocotiers pour répondre à la demande occidentale croissante en huile de coco. Les noix du Brésil, réputées pour leur richesse en sélénium, n’en contiennent que si elles sont plantées dans une région particulière du Brésil. Autant vous dire que celles qu’on trouve en France ne le sont généralement pas… Le miel de manuka, importé depuis la Nouvelle-Zélande, ne serait pas plus cicatrisant et antiseptique que le miel classique, mais présenterait en outre un gros risque métabolique du à son oxydation. Et on pourrait continuer encore longtemps comme ça, les exemples sont nombreux.

Bon, à l’inverse, on commence à produire du quinoa (céréale intéressante !) en Camargue, on consomme de nouveau des légumineuses, on redécouvre des légumes oubliés… point plus que positif à ces super-engouements !

Mais alors, quel intérêt d’inciter à consommer de tels « super aliments » alors qu’il « suffirait » seulement d’inciter les gens à manger (beaucoup) plus varié ?

(Même si, bien sûr, ce dernier point n’est pas si simple et que c’est un peu le nerf de la guerre pour nous, professionnels de la nutrition, et que nous pouvons être amenés à proposer un type d’aliments particuliers et à prendre des compléments alimentaires ciblés lorsque c’est nécessaire.)

On est bien d’accord que l’agro-alimentaire, au sens très large, a tout simplement son intérêt à vendre ces produits. Fruits et miel miracles importés, légumes et légumineuses redécouverts, en ces temps de non-sens et de doute alimentaires, le marché des « super-aliments » a un bel avenir devant lui.

Si rien n’est à diaboliser, pas grand-chose ne mérite non plus d’être érigé en super-héros de la nutrition. Si on continue à manger de la viande deux fois par jour, et si le reste de notre répertoire alimentaire se limite à yaourts/pâtes/riz/salade verte, ce n’est pas une poignée de baies de Goji ni même de raisins secs qui y changera quoi que ce soit. Pour résumer : variété et curiosité font plutôt bon ménage !

4 réponses

  1. Très bel article, qui, en posant un regard critique sur ces nouvelles modes alimentaires nous permet de nous en affranchir. Un grand bravo à l auteure.

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