La transition biologique des agriculteurs est devenue un enjeu à part entière pour les distributeurs et les consommateurs.

La folie du bio

Cela paraîtra étonnant pour certains, mais c’est au début des années 1950 que l’agriculture biologique fait son apparition en France. Elle a d’abord été développée en Autriche, en Allemagne mais aussi en Suisse et en Angleterre dès les années 1920 suite aux résultats de nombreux travaux scientifiques.

L’objectif de ce mouvement est de contrer l’utilisation excessive de pesticides et d’engrais chimiques déjà amorcée à l’époque. Une attention toute particulière était déjà consacrée à l’alimentation en lien avec la santé ainsi qu’aux impacts catastrophiques de l’agriculture intensive sur les producteurs, qui devenaient alors totalement dépendants de l’industrie. Afin de bénéficier du label bio, de nombreuses règles telles que la fertilisation du sol et la protection des plantes doivent être assurées.

Et aujourd’hui ? 85% de français estiment important de développer l’agriculture bio

Parmi les français, 69% consomment bio pour leur santé, 61% pour protéger l’environnement et 60% pour une meilleure qualité et un meilleur goût.

Acheter bio provoque de nouvelles habitudes de consommation chez 57% d’adeptes : 66% achètent plus de produits de saison, 62% achètent plus de produits frais et enfin 53% évitent les pertes et le gaspillage alimentaire. Chiffres issus d’une étude réalisée en 2018 par l’Agence Bio.

Portés par la tendance « healthy », de nombreux régimes ayant pour but de protéger la nature ont également été démocratisés. De plus en plus de produits Bio sont apparus dans les paniers des consommateurs etd e nombreux commerces spécialisés se sont développés. Place aux Marchés bio, Biocoop, Bio c’bon, l’Eau Vive, Satoriz (…) et le retour des épiceries fines.

La grande distribution n’est pas en reste et les agricultures paient le prix fort

Dans cette totale euphorie du bio, la grande distribution n’a pas perdu le nord : immenses rayons bio, vente en vrac, ouverture de nouvelles enseignes avec l’appellation « bio » tel que « Le marché bio » pour Leclerc, « Naturalia » pour Monoprix et Casino, Carrefour bio, Coeur de nature et Auchanbio pour Auchan !

L’avalanche du bio a donné naissance à quelques non-sens, largement moqués sur Internet. En témoignent les photos de consommateurs montrant des pommes ou des bananes « bio » emballées individuellement dans des sachets plastiques.

Seulement le bio en mode intensif à forcément un prix, que paient, une fois de plus les agriculteurs. Devenue la catégorie socioprofessionnelle la plus à risque en France, la surmortalité par suicide chez les agriculteurs est aujourd’hui de 20 à 30% supérieure à la moyenne de la population. En 2016, le nombre de passages à l’acte a été multiplié par trois.

Depuis quelques années, le secteur agricole connaît des crises permanentes (chute du prix du lait, grippe aviaire, aléas climatiques, baisse des revenus, dégradation des conditions de vie et de travail…) et la détresse morale a gagné les campagnes. Près de 30 % des agriculteurs touchent environ 350 euros par mois, un revenu parmi les plus bas du pays. La pression sociale actuelle poussant les agriculteurs à passer au bio n’arrange rien. Mais ne nous leurrons pas, même les agriculteurs bio subissent la pression des distributeurs dont le modèle est basé sur des prix toujours plus cassés avec des marges toujours plus présentes.

Démocratisation du bio et fin du modèle

Avec la démocratisation du bio, des modifications structurelles s’imposent dans ce modèle qui touche à sa fin et un besoin de relations plus vertueuses se fait sentir. On entrevoit les signaux faibles d’un modèle collaboratif plus marqué entre trois parties prenantes que sont les agriculteurs, les distributeurs et les consommateurs.

L’issue du Conseil des ministres du « projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable » a été dévoilé plus de six mois après le lancement des États généraux de l’alimentation. Si l’on s’en tient aux textes, cette loi pourrait constituer une petite révolution pour le monde agricole et alimentaire.

Pour bâtir les 17 articles de ce texte, le gouvernement s’est appuyé sur les conclusions des 14 ateliers menés jusqu’en décembre et qui ont réuni producteurs, distributeurs et consommateurs. Au menu : encadrement des rabais en grande surface, inversion des prix d’achat aux producteurs et promotion d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.

L’enjeu de la nécessaire transition vers le bio

L’enjeux pour les chaînes de grande distribution est d’encourager les agriculteurs à se convertir à l’agriculture biologique car c’est tout simplement ce qu’attendent les consommateurs. Seulement, la conversion vers ce type d’agriculture coûte cher et prend beaucoup de temps.

Pendant cette période, le producteur met en œuvre des pratiques de production conformes aux règles de production biologique, mais les produits ne peuvent pas être commercialisés en faisant référence à ce mode de production. Pour les productions végétales, la durée de conversion varie de 2 ans (cultures annuelles et prairies) à 3 ans (cultures pérennes : vignes et vergers). Pour les productions animales, elle varie de 6 semaines (poules pondeuses) à 12 mois (équidés et bovins).

Du côté des distributeurs

La marque Leclerc va loin dans cet engagement. Pour soutenir les agriculteurs, Leclerc propose une solution afin de légitimer les produits issus d’une agriculture en cours de conversion bio. La nouvelle marque fille du distributeur «  Récoltons l’avenir » est lancée et dédiée à la phase de conversion de l’agriculture.

Ainsi, les produits vont suivre un petit circuit évoluant sur 5 ans. Lors de la première année, la majeure partie de la production est intégrée aux gammes conventionnelles Marque Repère. En deuxième et troisième année, la production est valorisée au travers des produits Récoltons l’Avenir. Leclerc peut ainsi proposer des références en conversion mais qui ne peuvent pas encore porter le logo AB. A la fin de la troisième et dernière année  de conversion, les références certifiées bio seront intégrées à la gamme Bio Village.

Leclerc s’engage également dans 3 partenariats : le 1er avec Orlait pour aider à une meilleure rémunération des agriculteurs. Le distributeur s’engage auprès de la coopérative bretonne CECAB, de Bonduelle de et la société conserves France avec des contrats filière de 3 ans minimum permettant de sécuriser la production et le revenu des agriculteurs.

Des initiatives pionnières

Les tensions entre agriculteurs et distributeurs ne sont évidemment pas récentes et des initiatives misant sur la transparence et l’échange n’ont pas attendu les avancées législatives pour se lancer.

Miimosa Transition

Connaissez-vous Miimosa ? C’est la 1ère solution de financement/prêt participatif au service de l’agriculture et de l’alimentation. 18 mois après sa création, Miimosa réalise une levée de fonds qui lui permet d’accélérer son activité en renforçant son équipe, de poursuivre le développement de sa plateforme, et de consolider son maillage territorial. La société a également été en mesure de proposer de nouvelles offres à forte valeur ajoutée aux porteurs de projet et aux entreprises désireuses de soutenir ces secteurs dans le cadre de leur politique RSE.


Florian Breton, 35 ans, fondateur de MiiMOSA

Lancée fin 2014 par Florian Breton et soutenue par un large écosystème de partenaires, Miimosa se positionne comme un nouvel acteur du financement de l’agriculture et de l’alimentation. A ce jour, Miimosa a déjà accompagné 300 porteurs de projet et collecté près d’1.5 million d’euros auprès des citoyens, un record permettant à la plateforme de revendiquer son leadership dans des secteurs extrêmement dynamiques mais dont les besoins en financement sont importants car insuffisamment accompagnés.

A ce jour, Miimosa a déjà accompagné 1700 porteurs de projet et collecté près de 9 millions d’euros auprès des citoyens. En parallèle, Miimosa Transition a également vu le jour. Son objectif est de permettre une transition vers le bio des agriculteurs grâce à un co-financement des distributeurs et des consommateurs. Le modèle est basé sur du prêts à intérêts raisonnables, afin de financer sans fragiliser.

« C’est qui le patron »

La marque est née d’une volonté des consommateurs de soutenir les producteurs en décidant collectivement de ce qu’ils mettent dans leurs assiettes. Ce groupe est d’ailleurs à l’origine du collectif des « Gueules Cassées » qui lutte contre le gaspillage alimentaire. L’objectif premier de « C’est qui le patron » est de rester maître de notre consommation alimentaire.

Une plateforme a été lancée pour déterminer le cahier des charges précis des produits, tous équitables et responsables, qui se retrouveront quelques semaines plus tard en magasin.

Les produits coûtent un peu plus que ceux des concurrents mais ils promettent la garantie de produits naturels, éco-responsables, locaux et équitables pour les agriculteurs.

La création de cette marque collective est le deuxième volet de cette action qui vise à reconsidérer positivement nos modes de consommation par le consommateur lui-même. Le projet a commencé fin 2016 avec le lait « C’est qui le Patron ?! » en réponse à la crise du prix de ce produit. La coopérative compte 7 000 sociétaires, 18 familles de produits équitables et 5 millions de clients. Dans le domaine alimentaire, jamais un nouveau produit n’a connu de succès dans de telles proportions. L’avenir nous dira si les marques agro-alimentaires réussiront à trouver leur place dans ce triangle, où l’innovation sans fin et le marketing à outrance ne sont pas forcément les meilleures solutions.

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